En exigeant toujours plus de rentabilité et de rapidité de la part de ses acteurs, souvent aux dépens de leur bien-être, le monde du travail pousse aujourd’hui à reconsidérer le temps que nous consacrons chaque jour à travailler.

Qu’est-ce que le temps de travail ?

On désigne sous ce terme la durée reconnue de l’emploi et non le temps de travail global. Cette détermination exclut une bonne partie des travaux qu’une personne effectue au cours de sa vie, notamment le travail domestique qui représente pourtant plus d’heures que le travail salarié en France par exemple! De plus, un certain nombre de dimensions entourant la durée du travail ne sont pas prises en compte, telles que le déplacement du domicile au lieu de travail, le rythme demandé par l’organisation, la prévisibilité ou non des évènements ou encore les horaires déterminés par l’emploi. Prenez l’exemple des heures non déclarées ou non comptées (pour les cadres en particulier) ou l’accroissement des emplois à temps partiel et de fin de semaine : c’est l’illustration d’une intensification du travail sur une même plage horaire. Cette durée du travail salarial est souvent associée à la productivité des salariés. Et contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce n’est pas en travaillant plus qu’on produit mieux : la qualité est reliée à un rythme raisonnable de travail. C’est donc la question de la charge de travail qu’il faut approfondir.

Et si on privilégiait le temps à l’argent ?

Cette dernière idée amène à reconsidérer notre rapport à l’argent et donc au travail qu’il faut fournir pour l’obtenir. L’étude de Whillans et al. (2015) porte sur cette question : le bonheur provient-il de l’argent ou du temps que l’on consacre à soi et à son environnement ? En interrogeant d’abord des étudiants puis en étendant leur étude à une large population nord-américaine volontaire (N>4000), elles ont démontré d’abord une constance des résultats dans le temps. Mais surtout, il est apparu que les personnes accordant davantage de temps à soi étaient plus heureuses que celles portées par l’argent. Pourquoi me direz-vous ? En réalité, les périodes accordées à soi-même permettent de satisfaire les personnes sur des choses du quotidien : par exemple, aller au yoga régulièrement, passer un après-midi en semaine avec sa famille, se loger plus près du travail pour avoir moins de transport, etc. C’est l’ensemble de ces petits bonheurs qui accroissent le bien-être des personnes en milieu de travail. Pour l’organisation, c’est la garantie d’un personnel motivé, prêt à prendre du plaisir au travail mais aussi d’une diminution des arrêts maladie ou des accidents de travail liés à l’épuisement professionnel ou du présentéisme, entre autres. En laissant aux travailleurs une plus grande flexibilité dans la gestion de leur temps de travail, les entreprises susciteraient ainsi de la confiance et un fort sentiment d’appartenance.

La flexibilité au travail, porteuse de plus de liberté ?

Cette autonomie des personnes dans leur milieu de travail peut s’étendre au lieu de travail, aux prises de décisions ou encore au choix des méthodes utilisées. Les organisations laissant le choix des horaires par exemple, ne sont pas forcément perdantes en termes de durée consacrée au travail par leurs employés. En effet, une étude effectuée sur des salariés allemands (Chung, 2016) montre qu’en disposant de flexibilité dans les horaires de travail, ils travaillent plus, compte tenu du niveau de responsabilité et du type d’emploi. Une autre étude menée par le même groupe de chercheurs mentionne des résultats similaires en Grande-Bretagne. Les employés libres de choisir leur emploi du temps sont ceux qui travaillent sur de plus longues durées. Cette autonomie, presque une liberté, offerte par l’employeur, est perçue comme une faveur. La personne cherche donc à prouver que la confiance est méritée, qu’elle est capable de fournir une grande charge de travail et d’être performante. C’est une sorte de paradoxe de l’autonomie acquise avec les responsabilités. L’élévation de liberté dans vos conditions de travail peut vous pousser à l’auto-exploitation !

Cette flexibilité et cette plus grande autonomie peuvent aussi apporter plus d’équilibre entre vie professionnelle et personnelle, si elles sont bien gérées et si la direction n’en profite pas pour alourdir la charge de travail. Cela peut même être une possibilité de faire plus de place à la créativité et à l’innovation, en poussant vos employés à organiser leur temps de travail autour des objectifs entendus ensemble. C’est une démarche qui peut porter ses fruits lorsqu’elle est bien pensée et gérée en amont. Il est donc nécessaire de prendre le pouls de votre organisation et de ses acteurs, déterminant ainsi quelle démarche entreprendre pour améliorer votre productivité tout en améliorant les conditions liées à la durée du travail. Avec l’arrivée des congés estivaux, il semblerait que ce soit la bonne période pour se pencher sur cette question !

 

Clémence Emeriau Farges


 

Pour continuer …
  • CHUNG, H. (2016) « La flexibilité au travail est-elle un piège ? », The Conversation.
  • GRAVES, L. M., RUDEMAN, M. N., OHLOTT, P. J., & WEBER, T. J. (2012). “Driven to work and enjoyment of work: Effects on managers’ outcomes”, Journal of Management, n°38, p.1655-1680.
  • LEVITIN, D. (2014). « The organized mind: Thinking straight in the age of information overload”, Dutton Penguin Random House Publisher.
  • WHILLANS, A., WEIDMAN, A.C. & DUNN, E. (2015). “Valuing time over money is associated with greater happiness”, Social Psychological and Personality Science, vol.7, n°3.

 

ABONNEMENT À L'INFOLETTRE

Inscrivez-vous à notre liste d'abonnés pour recevoir notre infolettre et être à l'affut des dernières nouvelles d'Introspection.

Félicitation, vous êtes abonné à notre infolettre!

Pin It on Pinterest